Réformes axées sur le client - le point sur les nouvelles règles
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Les conseillers et les firmes de courtage sont visés par de nouvelles obligations visant à renforcer la protection du public. Concrètement, quelles seront leurs répercussions sur la profession? Et comment se préparer à leur entrée en vigueur?
Tout d’abord, il faut savoir que, pandémie oblige, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont repoussé au 30 juin et au 31 décembre 2021 l’entrée en vigueur des modifications apportées au Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites, mieux connues comme « les réformes axées sur le client ».
Il reste que les conseillers en épargne collective et en plans de bourses d’études devraient d’ores et déjà prendre connaissance des nouvelles règles qui non seulement s’adressent aux sociétés auxquelles ils sont rattachés, mais les concernent directement en tant que personnes inscrites.
Par exemple, les modifications relatives aux conflits d’intérêts, qui entreront en vigueur le 30 juin 2021, donnent l’obligation aux sociétés inscrites et aux représentants de traiter les conflits repérés « aux mieux des intérêts du client », sinon de les éviter (art. 13.4 et 13.4.1 R.31-103).
« Un conflit important, c’est tout ce qui peut avoir une influence sur les recommandations de la personne inscrite, incluant sa rémunération », illustre Laure Fouin, avocate au groupe du droit des affaires de McCarthy Tétrault à Montréal.
« Les gens ont besoin plus que jamais d'un conseiller dans cette période d'incertitude. » — Louise Gauthier
L’importance de la convenance
Autre changement important : toute recommandation devra donner préséance aux intérêts du client dans l’évaluation de la convenance, ce qui repose sur la connaissance qu’a le conseiller de son client et aussi du produit. C’est là une « pierre angulaire du règlement », insiste Louise Gauthier, directrice principale des politiques d’encadrement de la distribution à l’AMF.
Pour les membres de la CSF, cette obligation n’est pas entièrement nouvelle puisque l’intérêt du client doit être au centre des préoccupations du représentant en vertu du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières, mais l’AMF et les autres régulateurs provinciaux membres des ACVM l’ont désormais incorporée dans la réglementation pour l’ensemble des inscrits en valeurs mobilières, poursuit Me Gauthier.
Parmi les autres dispositions, il y a la révision du dossier des clients tous les 36 mois, ou tous les 12 mois pour les comptes gérés ou sur le marché dispensé ; l’interdiction de certaines communications trompeuses, notamment sur la compétence et les permis d’exercice des inscrits ; et la disparition des titres honorifiques de type « vice-président » qui ne sont pas liés à de véritables rôles de direction.
Éviter les erreurs du passé
Au fond, ces réformes s’inscrivent dans la lignée de celles de la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2), entrée en vigueur en 2016. Elles reposent sur la même volonté des ACVM de renforcer l’encadrement des conseillers depuis la crise financière de 2008-2009.
« Ce fut un choc qui a fait paraître les défauts du système financier. Entre autres causes, des produits complexes avaient été vendus à M. et Mme Tout-le-Monde sans qu’ils leur conviennent. Cela a provoqué une réflexion de l’industrie au niveau mondial. Il fallait rehausser les normes de conduite pour que la préséance soit donnée aux intérêts du client. Chaque nation l’a fait à sa façon, mais l’intention partout est de renforcer la protection du public », rappelle Louise Gauthier.
Cela aura donc pris une décennie pour que les réformes axées sur le client parachèvent le projet des ACVM. Il faut dire que de nombreuses consultations ont été nécessaires pour réglementer d’une façon qui satisfasse le plus grand nombre.
« Nous croyons avoir atteint un équilibre entre les préoccupations de l’industrie et celles des investisseurs. Les gens réalisent que nous nous sommes efforcés de nous adapter à la réalité du terrain », croit Louise Gauthier.
Après la publication officielle des modifications du règlement le 3 octobre 2019, plusieurs membres de l’industrie ont contacté les ACVM afin d’obtenir des précisions sur ces nouvelles obligations, ce qui a mené à la publication le 28 septembre dernier d’une foire aux questions. Mais des interrogations demeurent, croit Me Fouin
« Les ACVM vont sûrement devoir répondre à de nouvelles questions à mesure que l’échéance approche et que leurs membres appliquent les changements. Beaucoup de choses dans ces réformes sont des principes plutôt que des pratiques. Il y a quand même des exemples, mais l’énoncé reste à haut niveau et c’est vraiment lors de la mise en œuvre que tout devrait se préciser », entrevoit l’avocate.
Renforcer la valeur du conseil
L’hiver s’annonce long pour les responsables de la conformité, cependant Louise Gauthier estime qu’il s’agit d’un effort ponctuel qui débouchera sur une meilleure protection, et donc une meilleure confiance du public.
« C’est sûr que les réformes impliquent des coûts, concède-t-elle. Il faut ajuster les manuels, créer de nouveaux outils, faire de la formation, mais ce ne seront pas toutes des dépenses récurrentes. Nous invitons les sociétés à en profiter pour revoir l’ensemble de leurs processus et à considérer cet effort comme un rehaussement de la valeur du conseil. Les gens ont besoin plus que jamais d’un conseiller dans cette période d’incertitude. »