Clientèle vieillissante

Du fait du vieillissement de la population, les aînés constituent une clientèle grandissante pour les conseillers. Être en mesure de bien les servir est un enjeu de taille puisque ces personnes ont des préoccupations et des besoins propres qu’un conseiller ne peut ignorer. L’offre de service à une clientèle âgée peut aussi soulever d’autres enjeux, notamment en matière de littératie financière et de protection des renseignements personnels, laquelle exige toujours de faire preuve de vigilance.

Le conseiller doit davantage s’assurer de la protection de ses clients âgés, c’est-à-dire veiller à ce que leurs avoirs soient bien gérés et sécurisés, leur transmettre avec un soin particulier les renseignements nécessaires selon leurs besoins, vérifier leur compréhension et mettre leur dossier à jour plus fréquemment. Le conseiller doit respecter la volonté de ses clients âgés et les guider quant à leurs finances de façon à agir dans leur intérêt, comme il doit d’ailleurs le faire pour tous ses autres clients.

La plupart des gens âgés ont investi temps et efforts pour épargner et se bâtir un patrimoine. Ils peuvent craindre de manquer de ressources financières de leur vivant. Ils désirent donc être assurés que ce patrimoine sera bien géré et accessible en cas de besoin.

Certains aînés ne connaissent pas bien leurs droits et il leur est parfois difficile, pour différentes raisons, notamment la gêne, l’isolement ou des problèmes de santé, d’aller chercher de l’aide auprès des professionnels appropriés.

Le déficit cognitif associé à une plus grande espérance de vie, donc à de plus grands besoins financiers, accroît l’importance pour les personnes âgées d’être conseillées par des professionnels compétents.

Le conseiller est aussi un témoin de première ligne quand il s’agit de détecter les situations de vulnérabilité et d’abus financiers potentiels à l’égard des personnes âgées, lui qui a un regard indépendant sur leurs finances.

En adoptant une approche préventive et en misant sur la relation de confiance qu’il a développée avec ses clients âgés, le conseiller sera mieux préparé advenant de tels problèmes.

Prenez connaissance de l’outil Quoi faire si votre client semble en situation de vulnérabilité.

Le conseiller doit porter une attention particulière à l’évolution de la situation d’un client âgé, souvent plus rapide que celle des autres clients. Il convient donc de procéder plus fréquemment à la mise à jour de son profil et de s’assurer de la convenance de ses placements en conséquence de cette évolution. Ses besoins peuvent changer soudainement (horizon de placement plus court, tolérance au risque plus faible, protection du capital, accès aisé à ses fonds, absence de pénalité, etc.). Le conseiller devrait opter pour les communications téléphoniques avec le client âgé lorsqu’il faut faire les mises à jour de son profil, à moins que le client n’ait clairement indiqué sa préférence pour le courriel ou un autre moyen de communication.

Dans le cas d’un client vieillissant dont l’état de santé semble se détériorer, le conseiller n’a pas à évaluer ses capacités cognitives ou intellectuelles s’il doute de son aptitude à prendre des décisions pour lui-même. Par contre, il doit noter dans son dossier les faits dont il a eu connaissance et qui pourraient signaler une inaptitude, par exemple les questions et les réponses du client lorsqu’il y a incohérence.

Le conseiller a une certaine responsabilité quant à l’éducation financière de son client.

Il semble que la littératie financière d’une personne tende à diminuer à mesure qu’elle avance en âge, contrairement à la confiance qu’elle a en ses décisions financières, laquelle reste stable. Les personnes âgées auraient donc tendance à prendre des décisions en toute confiance, sans réaliser qu’elles n’ont peut-être pas les connaissances suffisantes pour prendre les bonnes décisions. Cela accroît d’autant l’importance d’avoir accès aux conseils d’un professionnel.

Le conseiller doit apporter un soin particulier à sa façon de transmettre l’information à un client âgé. Comme pour tous ses autres clients, cette information doit être modulée en fonction du niveau de connaissances et de littératie financière, mais elle doit être plus claire, concise et structurée. De la documentation en format papier pourrait être remise au client âgé une fois que le conseiller aura revu son contenu avec lui. Donner de l’information additionnelle et valider la compréhension du client âgé prend plus de temps que simplement lui remettre des documents, mais le client appréciera le temps que le conseiller lui accorde pour s’assurer de sa compréhension, et il se sentira ainsi mieux considéré.

Un conseiller ne peut recommander une stratégie ou un produit que le client ne comprend pas. Il doit donc vérifier avec lui sa compréhension de la stratégie ou du produit en question. Le conseiller ne doit pas avoir peur d’infantiliser son client âgé, car une incompréhension quant aux produits proposés pourrait amener ce client à prendre une décision sans l’assurance que ces produits sont appropriés pour lui et correspondent bien à ce qu’il désire. Le client âgé doit connaître les risques associés aux produits, dont la possibilité de frais supplémentaires ou de pertes financières.

Voir la section Produits pour plus de détails.

Bonnes pratiques

  • Suggérer au client qu’un membre de sa famille ou une personne de confiance assiste aux rencontres avec le conseiller et aux discussions si cela semble nécessaire à sa compréhension des notions financières.
  • S’assurer que le client n’a pas de problème d’audition, qu’il le comprend bien, qu’il a toute sa capacité pour l’écouter et qu’il est à l’aise avec son style de communication.
  • Tenir compte des besoins précis du client âgé ou vulnérable. Par exemple, fixer les rendez-vous le matin, si cela est préférable pour le client.
  • Utiliser une technique de communication efficace, tel l’emploi de métaphores, d’exemples concrets et d’une structure afin de faciliter la transmission de l’information et la mémorisation.
  • Être attentif au langage non verbal afin de déchiffrer l’incompréhension du client âgé. Cela permet au conseiller de savoir s’il doit expliquer les notions de nouveau ou d’une autre façon pour qu’elles soient bien comprises. Le conseiller peut valider la compréhension du client en lui demandant par exemple de résumer les propos, ce qui donne au client l’occasion de s’exprimer.
  • Envoyer une lettre au client, par la poste ou par courriel selon sa préférence, faisant état de ce qui a été discuté lors d’une rencontre.
  • Documenter le dossier du client afin de conserver la teneur des échanges, par exemple les questions posées et les réponses fournies. Cela permettra au conseiller de démontrer plus facilement le respect de ses obligations, même plusieurs années plus tard, ainsi que sa bienveillance envers son client. Dans un contexte de population vieillissante, cette consigne prend tout son sens.

L’intérêt du client doit demeurer le critère central de toute décision prise à son égard, et même advenant son inaptitude. Toute demande d’un mandataire doit aussi être traitée en considérant l’intérêt du client.

Le conseiller ne doit pas présumer ce que le client désire, il doit le consulter, ou consulter son mandataire selon le cas, avant d’effectuer une action pour son compte.

Que faire si le client âgé ou vulnérable exige une transaction qui ne semble pas dans son intérêt?

  • Ouvrir le dialogue en vue d’amener le client à confier ses raisons de faire la transaction
  • Comprendre les motifs du client
  • Expliquer au client les effets de la transaction sur sa sécurité financière et ses objectifs, notamment les conséquences fiscales
  • Tenter d'orienter le client vers un produit qui correspond à son profil
  • Suggérer un temps de réflexion
  • Suggérer d’impliquer un proche en qui le client a confiance lors de la prochaine rencontre
  • Si le client persiste dans sa demande, communiquer avec le service de la conformité du cabinet ou courtier auquel le conseiller est rattaché, faire les mises en garde adéquates et rééquilibrer le portefeuille s’il y a lieu
  • Documenter les échanges et les mises en garde
  • Mettre à jour la connaissance du client, si nécessaire

Le conseiller doit veiller à préserver la confidentialité des renseignements sur son client. S’il a des raisons de croire que le client est victime de maltraitance ou montre des signes d’inaptitude, il ne peut communiquer cette information à un proche du client ni à aucune autre personne s’il n’a pas d’abord obtenu le consentement du client – à moins de circonstances exceptionnelles - faute de quoi, même s’il est rempli de bonnes intentions, il commet une infraction déontologique. En conséquence, il pourrait se voir imposer une sanction disciplinaire, même si le client n’a subi aucun dommage et même si le conseiller a agi sans intention de lui nuire.

Cela témoigne de l’importance pour le conseiller d’obtenir du client, dès la première rencontre, une autorisation de communiquer avec une personne de confiance qu’il aura identifiée pour toute question concernant ses affaires personnelles et financières. Le client qui constate l’attention que le conseiller accorde à la protection de ses renseignements personnels et à son intérêt se sentira rassuré et plus ouvert à dévoiler ses données personnelles et financières.

Si la situation est urgente et peut mettre en danger la vie, la santé ou la sécurité d’un client âgé ou vulnérable ou d’un tiers et que le conseiller est dans l’impossibilité d’agir ou de communiquer avec la personne de confiance identifiée par le client, il peut contacter l’un des nombreux organismes voués au mieux-être des aînés (notamment, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la Ligne Aide Abus Aînés ou le Curateur public) ou inviter son client à le faire.

Voir la section Protection des renseignements personnels pour plus de détails.

Une personne âgée n’est pas nécessairement vulnérable. Dans le sens courant du terme, la personne vulnérable est celle qui peut facilement être atteinte, qui se défend mal, qui est fragile.

La personne vulnérable est une cible idéale pour les abuseurs financiers de toutes sortes. La maltraitance matérielle ou financière peut avoir de lourdes conséquences de nature physique, psychologique et financière pour les personnes qui la subissent et pour leurs proches.

Le conseiller doit être en mesure de détecter une situation de vulnérabilité ou de maltraitance chez un client incluant une possible intimidation ou influence d’une personne sur les comportements du client. Il doit être prêt à réagir de façon adéquate en respectant la dignité du client, son rythme, sa volonté, son autonomie, sa culture ainsi que la confidentialité de son dossier et de son état de santé.

Les personnes maltraitées n’avouent pas nécessairement le fait qu’elles subissent de mauvais traitements, soit par gêne, honte, culpabilité, résignation, banalisation, peur de perdre de l’autonomie ou peur des répercussions d’une dénonciation, ou pour préserver malgré tout la relation qui les unit à la personne qui les maltraite.

Un client qui se sent en confiance et qui a le sentiment qu’il peut prévenir une situation pire que celle vécue sera plus enclin à dévoiler de l’information au sujet de la maltraitance qu’il subit. Le conseiller pourrait lui présenter les avantages de parler de la situation et lui faire voir la possibilité que la personne maltraitante change de comportement si elle reçoit de l’aide.

Exemples de maltraitance matérielle ou financière

Certains faits peuvent constituer des indices qu’une situation de maltraitance matérielle ou financière existe chez un client vulnérable. Le conseiller pourrait remarquer ceux-ci :

  • Demande de transactions inhabituelles ou annulation de transactions sans explication valable
  • Transferts d’argent inusités dans le compte du client
  • Chèques encaissés ou retraits bancaires effectués par une personne autorisée (comme un mandataire) pour les besoins personnels du mandataire
  • Signatures suspectes sur des documents importants
  • Changements provenant d’une personne non autorisée, même un proche, dans des documents importants du client, tels un testament ou un contrat de prêt, d’achat ou de vente
  • Personnes qui s’intéressent aux finances du client sans raison valable
  • Chantage affectif d’un proche pour soutirer de l’argent au client
  • Menaces ou pressions pour obtenir de l’argent, des avantages ou des biens, ou pour consentir des prêts à un tiers
  • Vente forcée de biens ou liquidation de certains placements du client
  • Utilisation des biens du client sans contrepartie juste
  • Accès limité du client à l’information concernant la gestion de ses biens

Par ailleurs, le fait qu’un client âgé habite seul, est en situation de dépendance ou a un patrimoine important n’est généralement pas suffisant pour laisser croire qu’il peut être intimidé ou influencé. Cependant, en fonction des circonstances, ces éléments peuvent constituer des facteurs de risque additionnels.

L’aptitude des personnes âgées peut évoluer rapidement. Le conseiller doit rester particulièrement à l’affût de tout changement dans la situation d’un client âgé pour s’assurer qu’il est toujours en mesure de prendre des décisions pour lui-même et que ses besoins sont restés les mêmes.

QUE FAIRE LORSQU’ON CONSTATE UN AFFAIBLISSEMENT DES FACULTÉS INTELLECTUELLES DE SON CLIENT (PERTE DE MÉMOIRE, CONFUSION, HÉSITATIONS, INCOMPRÉHENSION DE NOTIONS HABITUELLEMENT CONNUES)?

Demande d’opération déraisonnable

Si la demande du client ne semble pas raisonnable par rapport à sa situation et ne respecte pas ses objectifs mais que le conseiller n'est pas certain d'être devant un cas d'abus ou d'inaptitude, il doit prendre les précautions qui s’imposent.

En l’absence de procuration, de mandat de protection ou de consentement écrit du client pour communiquer avec un proche, le conseiller :

  • peut fixer une autre rencontre pour prendre un temps de recul, par exemple en invoquant la nécessité de déterminer à partir de quels fonds il serait préférable d’effectuer les retraits pour minimiser les frais de rachat et l’impact fiscal, ou le besoin d’évaluer le rendement des fonds ou encore l’impact d’un retrait sur le supplément de revenu garanti;
  • peut encourager son client à obtenir l’assistance d’une personne de confiance désintéressée qu’il aura identifiée et qui pourrait l’accompagner dans ses démarches concernant ses finances personnelles;
  • peut proposer au client d’inviter cette personne à une rencontre avec lui et le directeur ou le responsable de la conformité du cabinet ou courtier auquel il est rattaché;
  • doit aviser le service de la conformité de son cabinet ou courtier, s’il y a lieu, et vérifier si des mesures sont en place pour réagir convenablement à la situation;
  • doit noter au dossier client les éléments qu’il a constatés et qui laissent soupçonner une inaptitude ou une vulnérabilité;
  • peut vérifier auprès du Curateur public si son client a été placé sous tutelle, mis sous curatelle ou déclaré inapte.

Demande d’opération raisonnable

Comme pour tout client, tant que celui-ci n’est pas déclaré inapte, le conseiller doit effectuer toute opération qu’il demande à moins qu’elle ne soit déraisonnable en regard de sa situation et de ses objectifs.

Les notes au dossier seront particulièrement importantes dans cette éventualité. Le conseiller devra également faire un suivi plus fréquent auprès de ce client pour s’assurer de son aptitude à prendre des décisions.

Documents utiles

Le conseiller a tout avantage à suggérer à son client de se préparer à une éventuelle inaptitude; il peut lui proposer de prévoir un mandat de protection et une procuration, et ce, dès leur première rencontre.

Le mandat de protection permet à quelqu’un de désigner à l’avance une ou plusieurs personnes pour veiller à son bien-être et administrer ses biens au cas où il deviendrait incapable de le faire lui-même.

Quant à la procuration, elle permet à quelqu’un de désigner une ou plusieurs personnes pour agir à sa place et en son nom alors qu’elle est tout de même apte à le faire.

La procuration cesse d’être valide notamment au moment où la personne qui a donné le mandat (le mandant) le révoque ou que le tribunal déclare cette personne inapte. Dès que le mandat de protection est homologué, c’est ce dernier qui est valide et la personne qui y est désignée agit pour et au nom de la personne inapte.

Les deux documents doivent être utilisés avec grande précaution et préciser les pouvoirs et obligations du mandataire.

Bonnes pratiques

  • Pour éviter de se retrouver dans une situation où ses agissements pourraient lui être reprochés, le conseiller a avantage à anticiper les choses et à agir en amont, avant que l’inaptitude d’un client âgé ne se matérialise.
  • Le conseiller doit prendre le temps d’expliquer au client l’intérêt de prévenir de telles situations en abordant, dès que possible dans la relation, l’éventualité de son inaptitude. Il doit être vigilant lors de l’identification par le client d’une personne de confiance, car l’entourage familial (conjoint, conjointe, enfant ou autre membre de la famille) s’avère souvent responsable de la maltraitance de l’aîné.
  • Le conseiller désireux de servir une clientèle âgée d’une manière à la fois personnalisée et irréprochable sur le plan déontologique trouvera dans l’outil Quoi faire si mon client semble en situation de vulnérabilité, élaboré par la CSF, des mesures qui peuvent guider sa recherche de solutions.
  • Enfin, puisqu’une inaptitude peut survenir à tout moment, par exemple à la suite d’un accident, les meilleures pratiques énoncées ci-dessus s’appliquent auprès de tous les clients, jeunes ou âgés.