La clarté dans la rédaction des contrats d’assurance

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Comprendre les contrats d’assurance n’a pas à être une tâche ardue pour les clients. Avec les bonnes méthodes et une dose de bonne volonté, on peut en simplifier la rédaction et apprendre à mieux les vulgariser.

Au Québec, le Code civil et la Loi sur la protection des consommateurs (LPC) contiennent des articles qui concernent la clarté des contrats de consommation ou d’adhésion. Ainsi, l’article 1436 du Code civil stipule qu’une clause « illisible ou incompréhensible pour une personne raisonnable » pourrait être annulée si elle cause préjudice à l’une des parties.

Cette clause met aussi l’accent sur la responsabilité du conseiller. En effet, le tribunal pourrait refuser d’annuler une clause s’il est prouvé que « des explications adéquates sur la nature et l’étendue de la clause ont été données au consommateur ou à l’adhérent ». Ainsi, le conseiller qui constate que certaines parties d’un contrat d’assurance peuvent être compliquées à comprendre a tout intérêt à bien les vulgariser, et à consigner cet exercice pour le bénéfice de son client.

Le Code civil prévoit aussi qu’une clause ambiguë doit être interprétée en faveur du consommateur. Quant à la LPC, son article 25 précise que le contrat doit être « clairement et lisiblement rédigé ».

Malgré tout, les contrats d’assurance (et ils ne sont pas les seuls !) restent notoirement difficiles à lire et à déchiffrer pour le commun des mortels. « Les lois parlent de clarté, mais sans définir ce qu’on entend par langage clair ni offrir de lignes directrices sur la manière de rédiger un contrat pour qu’il soit considéré comme clair », soutient Me Sara Eve Levac, avocate et analyste à Option consommateurs.

En 2023, l’Organisation internationale de normalisation (ISO) a publié la norme ISO 24495-1:2023 sur le langage clair et simple. Celle-ci présente des principes et des lignes directrices pour rédiger des contrats plus digestes. « Mais elle ne s’applique pas dans le droit québécois, précise Me Levac. Ce sont des lignes directrices que les entreprises peuvent utiliser pour rédiger des contrats. »

 

Des trucs pour simplifier l’écriture

Pourquoi les entreprises comme les assureurs tardent-ils à modifier leur manière de rédiger ? D’abord, par habitude. Les avocats tendent à formuler les contrats comme ils l’ont appris. Cette forme traditionnelle est passée dans l’usage et cette façon de faire semble rassurante. « On apprend à faire preuve de rigueur et à couvrir l’organisation contre tous les risques possibles et imaginables, mais pas vraiment à se mettre à la place des clients qui ne sont pas juristes », explique Me Stéphanie Roy, elle-même avocate et cofondatrice d’En Clair, une firme qui aide à simplifier les documents juridiques.

Elle reprend la définition de la norme ISO, selon laquelle un contrat écrit clairement doit permettre au client de trouver rapidement une information, de la comprendre et de l’utiliser. Cela ne touche donc pas que les mots employés, mais aussi la structure du texte et l’esthétique du document.

 

4 facteurs pour une rédaction en langage clair

Me Roy énumère quatre facteurs particulièrement importants dans la rédaction d’un contrat en langage clair.

 

L’apparence générale du contrat

La première impression du client est fondamentale. « C’est ce qui fait qu’il se sent compétent ou non pour lire le document, explique l’avocate. Si le texte est très long, rempli de mots complexes et de titres incompréhensibles, c’est très rebutant pour le client. »

 

La navigabilité du document

Est-ce qu’on peut facilement survoler le texte pour identifier certains messages clés et en comprendre les grandes lignes ? Est-ce que les informations les plus importantes sont aisées à trouver et bien visibles ? Les titres des différentes parties sont-ils faciles à identifier et rédigés en langage clair ? Souvent, on peut simplement changer un terme juridique, comme « résiliation », pour un synonyme, comme « mettre un terme à ». En assurance, un mot en apparence aussi simple que prime peut générer de la confusion puisque beaucoup de gens le confondent avec l’indemnité. Et peuvent aussi confondre prime et cotisation.

 

Le choix des informations dans le contrat.

La longueur d’un contrat décourage les clients. Les entreprises gagneraient parfois à élaguer certaines clauses, qui couvrent des risques hautement improbables ou qui ne sont plus nécessaires.

 

La clarté et la visibilité des mots et des phrases.

Revoir la rédaction reste essentiel. Me Roy donne une phase simple en exemple : « Nous vous remboursons les frais engagés pour les services d’une infirmière, jusqu’à concurrence de 10 000 dollars par année, sous réserve de notre approbation préalable. » Ce serait beaucoup plus efficace de commencer par dire qu’on doit demander l’autorisation en premier. On devrait aussi explicitement dire que si on ne le fait pas, l’assureur pourra refuser de rembourser le client. C’est le genre de nuance qui échappe aux clients. « Les contrats comportent souvent des clauses qui contiennent des inférences juridiques implicites que le client ne peut comprendre vu qu’il n’est pas formé en la matière », déplore-t-elle.

 

Apprendre à vulgariser

Cela dit, on peut difficilement réussir à simplifier un contrat à un point extrême où il peut être complètement compris sans explications par tous les clients, qui ont des niveaux de littératie, de numératie et de littératie financière très variables. Le rôle de vulgarisateur du conseiller reste donc crucial et son devoir de s’assurer de la compréhension de son client demeure fondamental. « La vulgarisation, ça ne s’improvise pas, estime Stéphanie Roy. On doit se préparer. » Elle propose quelques trucs pour y arriver. Pour Me Stéphanie Roy, la rédaction de contrats en langage clair et la capacité de les vulgariser sont essentielles pour maintenir la crédibilité du système financier et réduire le risque de plaintes et de litiges. De son côté, Me Sara Eve Levac croit que cela améliore l’expérience des consommateurs et renforce leur confiance dans l’entreprise et surtout dans la personne qui les conseille.

 

Cibler les messages importants

Quels sont les éléments clés pour permettre au client de prendre une décision éclairée ? Qu’est-ce qui risque d’influencer son comportement ? 

 

Quelles questions les clients posent-ils le plus souvent?

Quels éléments du contrat semblent plus difficiles à comprendre ? Quels biais influencent la manière dont on présente les contrats ou dont les clients les comprennent ?

 

Choisir l’ordre des informations

Le conseiller n’est pas toujours obligé de suivre l’ordre du contrat. Il peut concevoir une séquence qu’il trouve la plus appropriée pour faciliter la compréhension.

 

Chercher des synonymes pour les termes plus complexes

 

Utiliser des analogies

Même s’il peut être difficile d’introduire des formules imagées dans un contrat, c’est un outil de compréhension très puissant dans une discussion avec un client.

 

Poser des questions

Le conseiller doit s’assurer que ses explications ont bien été comprises.

Références

Cet article est d’abord paru dans l’édition Été 2025 du CSF Mag+.