Surendettement en vue? Guidez votre client vers la prise de conscience
Pierre Fortin, syndic autorisé en insolvabilité Jean Fortin & associés
Vous êtes les premiers répondants pour les finances de vos clients! En effet, à titre de membre de la CSF, vous êtes bien souvent l’un des seuls professionnels à connaître la situation financière réelle de vos clients. Vous risquez même d’être, dans certains cas, plus au courant que leur conjoint!
En tant que professionnel aux premières loges des finances de vos clients, vous avez donc la chance de pouvoir avoir un impact positif dans leur vie si vous détectez une problématique relative à leur niveau d’endettement.
Mais comment aborder la question avec tact, notamment face à des clients qui ne veulent pas regarder les choses en face? La meilleure façon de voir venir les difficultés financières - et de limiter les dégâts - est, selon moi, de poser un diagnostic en trois étapes. Si vous impliquez vos clients dans l’établissement de ce diagnostic en utilisant les méthodes relativement simples qui suivent, la prise de conscience devrait se faire rapidement.
Mesurer son niveau d'endettement
Chaque année, vos clients devraient mesurer leur niveau d’endettement en calculant leur ratio d’endettement. Le pourcentage obtenu mesure le poids des dettes par rapport aux revenus. Voici la formule que je conseille habituellement et dont ils peuvent se servir facilement :
Cet outil à l’avantage d’être universel car il est utilisé par toutes les institutions financières lors d’une demande de prêt. Le ratio qu’on obtient permet donc d’évaluer objectivement la façon dont l’institution percevra un client qui a besoin de crédit rapidement. Un résultat de 30 % et moins est considéré comme excellent, 31 % à 36 % est bien vu alors qu’un ratio de 40 % et plus est considéré à risque.
Toutefois, cet outil n’est pas parfait car il ne tient pas compte de la situation familiale de votre client. Or, un célibataire qui gagne 100 000 $ brut par année n’a pas la même marge de manœuvre financière qu’une famille avec 2 enfants dont les parents gagnent chacun 50 000 $ par année.
En mesurant leur ratio d’endettement chaque année, vos clients sauront si leur niveau d’endettement augmente d’année en année ou s’il est stable. Une augmentation constante, en l’absence de changement au niveau du coût d’habitation, sera un signe que leurs dépenses discrétionnaires (voyages, restos, auto de luxe, etc.) est à la hausse ou pire, qu’ils souffrent d’un déficit budgétaire structurel qui les force à utiliser le crédit comme source de revenus supplémentaires.
Dans le premier cas, un meilleur contrôle des dépenses pourra peut-être éviter une détérioration future alors que dans le deuxième, le contrôle des dépenses doit obligatoirement être accompagné d’un plan de réduction des dettes. C’est un drapeau rouge qui ne faut pas balayer sous le tapis.
Budget réel vs budget théorique
C’est probablement l’exercice le plus difficile à faire pour votre client puisqu’il ne s’agit pas de chiffres théoriques mais bien de ceux de son train de vie véritable. En effet, c’est une fois que les dépenses fixes sont identifiées que le vrai défi commence. Comment dépensons-nous en nourriture par mois et même par saison (été, Noël, etc.), en vêtements, en frais d’entretien, en argent de poche et en cadeaux?
Dans les faits, la seule façon d’élaborer un budget qui reflète la réalité est de noter toutes ses dépenses (épicerie, restos, essence, etc.) sur plusieurs mois (idéalement au moins 6 mois). Cela prend de la discipline et de la volonté, certes. Un truc pour y arriver est de payer toutes ses dépenses, aussi petites soient-elles, avec sa carte de crédit. Il est alors plus facile de les comptabiliser à la fin du mois.
Mener cet exercice fastidieux à terme permet, tout d’abord, de prendre conscience de l’importance des « petites dépenses » qu’on a tendance à sous-estimer.
Également, c’est parfois l’occasion d’une prise conscience de l’ampleur de grosses dépenses comme celles liées au transport. C’est un poste budgétaire sur lequel on peut facilement avoir de l’influence, en particulier à chaque renouvellement de bail si l’on a opté pour la location de voiture.
Enfin, le budget permettra à vos clients de savoir s’ils ont un excédent ou un déficit récurrent. Dans le premier cas, on peut ainsi mieux planifier l’épargne, voire même l’augmenter. En revanche, un déficit récurrent s’accompagnera presque toujours des dettes de consommation : si, au début, le crédit disponible comble le manque à gagner à chaque mois, les frais de remboursement de ces dettes deviennent très rapidement la cause première d’un déficit grandissant. Le client est alors entraîné dans une spirale de l’endettement. Un bon coup de barre est alors nécessaire pour éviter le surendettement.
Le bilan, un incontournable
Le troisième outil essentiel pour évaluer la santé financière de vos clients est bien entendu le bilan. En plus de donner l’évolution de la situation d’année en année, il permet de pallier les lacunes du ratio d’endettement. En effet, vos clients ayant investi dans l’achat d’une maison, par exemple, verront vraisemblablement leur ratio d’endettement augmenter à court et à moyen terme en raison des coûts supplémentaires engendrés par une maison versus le paiement d’un loyer. Reste à déterminer si cette maison place un poids raisonnable sur leurs finances. Par exemple, un client qui a un ratio d’endettement proche du 40 % de la limite acceptable mais qui possède des placements relativement liquides n’est pas confronté aux mêmes risques financiers que celui qui n’a pas ou peu de placements liquides.
Conclusion
Vous avez le privilège d’être aux premières loges des finances personnelles de vos clients, une place que peu de gens occupent. Leur apporter des conseils et suggestions au niveau de leur endettement peut être délicat, mais si votre approche est bonne, non seulement vous aurez augmenté votre « plus-value » à leurs yeux mais vous aurez peut-être aussi assuré leur santé financière à long terme.
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